Portrait d'un parqueteur
Ce noble métier qu’on connait si peu
Poseur de parquet depuis près de 20 ans, Jacky a découvert très tôt sa passion pour le bois. Enfant plutôt nerveux, c’est grâce à la boxe puis les courses de voitures qu’il réussit à canaliser son énergie. La difficulté ne lui fait pas peur, au contraire, elle le stimule. Quand il commence quelque chose, il aime être le meilleur et se donne les moyens pour y arriver. Son parcours professionnel ne déroge pas à la règle, il exerce son métier avec enthousiasme, passion et détermination. Il nous raconte …
Pourquoi cette passion pour le bois ?
J’ai ça dans le sang. Depuis tout petit. Il n’y a pas vraiment de raison, j’ai toujours été très sensible au bois, peut-être que ça vient de mon père. Il adorait ça lui aussi. Dans la maison dans laquelle j’ai grandi tout était en bois. Les meubles, les tables, les poutres. Petit, tous mes jouets étaient faits de bois, les puzzles, les voitures…
Je suis fasciné par l’idée qu’on puisse le métamorphoser en peu de temps, on peut faire plus ou moins ce qu’on veut et je trouve ça génial ! Et surtout, la noblesse du produit.
Alors, un métier où le bois est au centre apparaissait comme une évidence ?
Pas vraiment, c’est un peu un concours de circonstance. A 18 ans, je travaillais dans le bar de mon oncle pour gagner un peu de sous. Il a dû fermer pendant une semaine alors j’ai trouvé un autre petit boulot dans une entreprise de parquet, en attendant que le bar ré-ouvre et que je puisse finir la saison. Cela m’a permis de m’intéresser de plus près au bois. J’ai adoré. Le patron a voulu m’embaucher mais moi quand je m’intéresse à quelque chose il faut que j’aille au bout, que je sois bien formé et que je sois très bon. Alors j’ai décliné et je me suis inscrit dans une école de parqueteur, puis j’ai suivi les compagnons du devoir. En deux ans j’étais formé et j’ai commencé à exercer dans la foulée.
Quelle est votre essence de bois préférée ?
Le chêne ! Sans hésiter. C’est noble. On peut le teinter, le laisser en bois clair, c’est une essence qui accepte toutes les teintes. Il y a une multitude de couleurs hyper importantes, noir marron, beige, blanc… A l’époque on travaillait beaucoup le bois rouge. Mais le chêne c’est autre chose.
Quand on pense au parquet, au bois, aux forêts, on pense aussi à la déforestation. Quelle est la dimension écologique dans votre métier ? Y êtes-vous sensible ?
Oui très. Je sais qu’il y a eu beaucoup de déforestation, notamment à cause du teck, ça a été très à la mode à un moment… J’étais contre.
Je fais très attention d’où vient le bois, et surtout les traitements qu’on lui impose. Je ne travaille qu’avec des produits aux normes françaises.
NF, CTBA… Si ces labels n’apparaissent pas, je refuse de travailler avec ces produits.
Il faut tout de même savoir que des produits 0% chimique ça n’existe pas. Pour traiter le bois correctement, il est nécessaire d’ajouter à la nature un peu de chimie. Mais très peu ça suffit. On pense aux clients, mais nous on est les premiers en contact, donc moins c’est nocif mieux c’est. Pour l’environnement et pour nous.
Quel est le plus gros risque dans votre métier ?
La maladie du carreleur ! On travaille à genoux, donc forcément, ils sont un peu déformés et imberbes. Mais c’est le jeu. Heureusement on est bien équipés, on a des genouillères. D’ailleurs, ne surtout pas les prendre en plastique : Ça favorise la rétention d’eau !
Ce n’est pas vraiment un métier « à risque ». On est plutôt tranquille.
Avez-vous déjà eu des litiges ? Quels sont ceux qui reviennent le plus fréquemment ?
L’humidité ! Le point noir du bois c’est l’humidité. Le bois n’en accepte aucune. S’il y en a, le parquet se met à gonfler et là on intervient pour un SAV, mais généralement c’est à cause d’une fuite.
Pour ma part je n’ai jamais eu de litiges, je suis très exigeant et minutieux avec mes équipes (et moi-même !)
Je vérifie toujours mon produit, je laisse le bois s’acclimater à la température de l’appartement, par précaution.
Le problème c’est que les gens ne veulent plus qu’un seul interlocuteur, ils prennent une entreprise générale pour tout faire et souvent le parquet est posé n’importe comment.
Mais ça ne peut pas se passer comme ça, on ne s’improvise pas poseur. Il y a des règles, des choses à savoir, c’est un vrai métier.
Donc pour éviter tous litiges, il faut bien vérifier. D’autant plus qu’une fois que tu poses sur le sol du maçon, c’est que tu as accepté son sol, s’il y a un problème, c’est notre faute.
Ma règle d’or : l’intransigeance. Même si le maçon c’est un copain, si son sol n’est pas bon, on ne pose pas. Toute la responsabilité des autres maîtres d’œuvre est sur nous.
Est-ce qu’il y a des femmes dans ce métier ?
J’en ai eu une ! Elle vient de partir d’ailleurs, elle retourne en Bretagne.
C’est très très rare, je n’en ai jamais connu d’autre. Ce n’est pas vraiment un métier ou l’on attend les femmes, mais finalement ce ne sont que des préjugés. Elle était géniale, malheureusement les clients étaient plus sceptiques, sous-entendant "une femme dans un métier d’homme quelle idée…" On m’a beaucoup demandé ce qu’elle faisait là, qui allait poser le parquet... Quand je répondais que c’était elle, ils me disaient du tac au tac que « ce n’était pas possible ». Je n’ai pas un client, qui ne m’a pas rappelé pour s’excuser, en voyant la perfection du rendu.
Avez-vous des conseils à donner à quelqu'un qui veut devenir poseur ?
Il faut être passionné. Pas forcément par le bois en tant que tel, mais par l’idée qu’on puisse le métamorphoser en peu de temps. C’est génial quand même. Au début c’est un arbre, puis ça devient plus ou moins ce que vous voulez ! Un meuble, un sol, une chaise, une œuvre d’art ! Puis il faut le dire, c’est beaucoup de boulot mais on gagne très bien sa vie, parce qu’il y en a peu des poseurs. C’est rare. C’est un métier noble car c’est un produit noble.
Combien de temps pour être formé ?
Après deux ans de formation vous pouvez poncer et poser sans problème. Ce n’est pas très long mais il faut être assidu.
Le mot de la fin
Vous l’aurez compris, être parqueteur est accessible à toutes et tous. Il suffit d’être doté d’un vrai sens de l’organisation, d’une grande minutie, d’une détermination sans égal et une assiduité sans faille.
Rassurez-vous, ce sont des qualités qui se travaillent. Et tout le monde les a au fond de soi. Même vous.
Alors si vous êtes en pleine reconversion professionnelle, que vous aimez le bois et l’idée de le transformer, ce métier est fait pour vous. A votre compte ou salarié.e. Sans compter que le secteur manque cruellement de poseuses et poseurs qualifiés. N'hésitez pas, foncez !